De la necessité de la musique

Lac de Saint-Agnan - Abbaye de La-Pierre-Qui-Vire - avril 2010
Appel des lieux — la ligne lumineuse s'intensifie — horizon-faisceau sur l'eau à couper le regard — le paysage devient une expérience de la perception —




Paris - Eglise Saint-Gervais-Saint-Protais - avril 2010
Trois jours après avoir filmé la lumière sur les eaux du lac de Saint-Agnan, l'intensité de ces images vivent en moi comme en basse continue. Sur l'orgue des Couperin, pendant la communion à la messe de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais (près de l'Hôtel de Ville), vient me frapper les tympans la lancinante, obsédante & envoutante Passacaille de Buxtehude, pièce que j'avais beaucoup écoutée deux ans plus tôt, Porte 34, & que je connaissais "par cœur". Cette pièce musicale baroque chante en moi alors à nouveau & se superpose, s'enchevêtre aux images filmées trois jours plus tôt… Nécessité cela ne cesse pas

L'accordéoniste - Alexandre Peigné - mai 2010
L'"augmentum" ou augmentation — cette amplification, cette intensification dans la répétition spirallique de la phrase musicale — se superposait en moi à l'augmentation lumineuse sur le lac. Une évidence se manifesta : je me souvins avoir vu jouer, environ un an auparavant, un jeune accordéoniste. Son instrument était transfiguré dans une adaptation d'un opéra de Purcell, The Fairy Queen. Son jeu fut une découverte de la richesse de l’accordéon, instrument à deux claviers & à vent. Ce musicien fut comme une icône interposée entre la passacaille de Buxtehude et les images du lac. D’une pièce baroque l’autre, je demandai à Alexandre Peigné s’il voulait bien et pouvait retranscrire pour accordéon ce qui avait été écrit pour l’orgue. Il me répondit très vite que les pièces baroques pour orgue deviennent un scabreux calvaire à l’accordéon.

Le Duo Tangram & la composition de Gerhard Müller-Hornbach
Dans sa lettre électronique en réponse à la mienne, Alexandre Peigné me confia que deux jours avant d’avoir lu ma requête, il avait lui-même envisagé de jouer en ‘live’ sur des images d'art vidéo. Il joignit trois pièces en Mp3 d’enregistrements avec Elise Ferrière, la flûtiste à bec de leur Duo Tangram : une sonate de Bach ; une musique de la Renaissance d’un Da Rore ; & Mild und Leise d’un compositeur contemporain allemand, Gerhard Müller-Hornbach, avec lequel Alexandre Peigné était entré en contact au moment d’en obtenir la partition. 
Á l’écoute de ces trois morceaux, il fut évident que c’était la pièce contemporaine qui était sur le bon registre avec mes images. Je fis le deuil aussitôt de Buxtehude. Je mis un certain temps à "caler" Mild und Leise sur la séquence du lac, je plaçai l’attaque de la plage musicale sur le plan "à l’image près" & l’occurrence, une justesse toute de grâce, se produisirent. Il ne restait plus qu’à laisser se dérouler ensemble, s’enchevêtrant, se trouvant et se perdant, se retrouvant… les deux phrases musicale et filmée. Comme les deux instruments eux-mêmes à l’intérieur de la phrase musicale.

Du baroque à la composition contemporaine
C’est ainsi que du répertoire baroque que j’avais beaucoup écouté, de mes errances à filmer des phénomènes de la perception dans la nature, des natures mortes, aussi urbaines, des paysages et leurs détails — toutes formes au développement baroque dans le filmage —, je rejoignis un répertoire contemporain d’une musique que je connaissais mal, tout aussi attentive à des détails de la perception.

Composition contemporaine & accordéonistes
Avec Alexandre Peigné, je découvre l’univers passionnant de l’accordéon, le potentiel de cet instrument à vent à deux claviers.
Je lui suis reconnaissant de m’avoir guidée vers des compositeurs contemporains écrivant pour l’accordéon & vers deux grands accordéonistes (ses pairs & pères) : Stefan Hussong et Teodoro Anzellotti.

Deux faces à notre projet commun
Alexandre Peigné travaille pour jouer en ‘live’ sur les plans-séquences les pièces que nous aimons et qui fonctionnent sur les images que j’ai dégagées de mes divers filmages. Il s’agit pour lui de performer la musique en public sur les vidéographies projetées.

Quant à moi, je suis amenée à explorer les enregistrements existants, à les écouter puis à faire l’expérience de monter les séquences musicales sur les plans-séquences filmés. J’utilise donc des interprétations déjà éditées.

Stefan Hussong & Teodoro Anzellotti m’ont donné leur accord pour emprunter leurs enregistrements.

 














L’étape suivante est d’envoyer à des festivals de courts métrages, vidéo et cinéma ces tableaux filmés & musique contemporaine pour qu’il soient diffusés en salle de cinéma ou dans des dispositifs de visionnage particuliers aux festivals, ou sur écran Lcd avec écoute au casque, ou dans un espace pour l’art contemporain… à expérimenter.

Les images filmées chantent en moi — la musique trouvée joue en moi — elle devient une nécessité interne aux images — toute (bonne) phrase filmée appelle à trouver sa phrase musicale comme une âme sœur —